INTRODUCTION
Motif fréquent de consultation aux urgences.
Elle réalise un tableau clinique d’installation
rapide en qlq h ou qlq jours associant un placard érythémateux assez bien
limité, parfois extensif, en général unilatéral et associé à un œdème et
pouvant s’accompagner de signes infectieux.
La cause la + fréquente est l’érysipèle,
hypodermite infectieuse aiguë streptococcique, dont le diagnostic est en général
facile. D’autres causes sont possibles, de dc parfois plus difficile.
DIAGNOSTIC POSITIF
Interrogatoire
+ Modalités évolutives : rapide ou lente
+ ATCD chirurgicaux sur le membre concerné.
+ Pathologie récente locorégionale : intertrigo
interorteils,…
+ Notion de piqûre ou morsure d’animale (chat,
chien).
+ Œdème chroniq de jambe par stase veineuse ou
lymphatiq.
+ Maladies associées : diabète, artériopathie MI,
obésité…
+ Traitements débutés : ATB générale, traitements topiques.
Signes subjectifs locaux : variables
+ Sensation de brûlure ou de tension douloureuse, prurit.
+ La douleur est aggravée par position déclive ou palpation.
Examen clinique
Examen locorégional :
+ Siège uni ou bilatéral.
+ Nature des lésions cutanées :
– Erythème rouge vif, + œdème svt tendu et dl
palpation
– Vésicules et/ou bulles.
– Décollements superficiels étendus (sujet
âgé)
+ Bonne ou mauvaise limitation des lésions
cutanées.
+ Nécrose cutanée superficielle ou profonde.
+ Porte d’entrée potentielle : intertrigo
interorteils, ulcère de jambe, plaie trauma, lésions de grattage, piqûre
d’insecte…
+ Signes insuffisance veineuse chronique : œdème,
varices…
+ Signes neuro associés (hypo ou anesthésie
superficielle)
+ Pouls périphériques pédieux et tibial
postérieurs.
+ Lymphangite, ADP inflammatoire inguinale
homolatérale.
Examen général
+ Fièvre, altération de l’état général.
+ Signes de sepsis sévère, voire de choc septique.
Signes de gravité
Signes généraux :
+ Fièvre avec confusion.
+ Désorientation.
+ Tachypnée, tachycardie, oligurie, hypotension,
pâleur.
Signes locaux :
+ Douleur locale intense.
+ Œdème majeur, bulles hémorragiques.
+ Nécrose focale, hypoesthésie, livédo,
crépitations.
Autres facteurs :
+ Comorbidité (diabète, obésité)
+ Contexte sociale : état de précarité (SDF)
Examens complémentaires
+ Pas de bilan standard.
+ NFS, VS, CRP, ± hémocultures (sepsis grave)
+ Prélèvement bactériologique de toute érosion ou
ulcération cutanée de jambe, d’un intertrigo interorteil : indispensable
dans les formes graves pour adapter éventuellement l’ATB
+ Si suspicion thrombose veineuse : échodoppler,
D-dimères
+ Si signes de gravité : enzymes musculaires, ionogrammes
sanguin, créatininémie, pH et GDS, bilan d’hémostase.
+ Imagerie (Rx, écho des parties molles, IRM) n’a
d’intérêt que si on suspecte une dermo-hypodermite nécrosante.
DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
Érysipèle:
une dermo-hypodermite aiguë bactérienne à streptocoque β-hémolytique du groupe A (plus rarement B, C ou G).
Maladie fréquente.
1er dc à évoquer devant une grosse
jambe rouge aiguë et fébrile.
Terrain : adulte > 40ans (âge moyen vers
60 ans).
Facteurs favorisants locaux (lymphoedème, porte
d’entrée intertrigo interorteil, ulcère de jambe) et généraux (obésité).
Tableau habituelle : « grosse jambe rouge
aiguë fébrile » unilat.
+ Début brutal, avec fièvre élevée (39 à 40°C) + frissons,
+ Puis en qlq h : un placard cutané
inflammatoire = plaque érythémateuse, œdémateuse, circonscrite et dlse
palpation.
+ Un bourrelet périphérique marqué (rare). Dans
certains cas, des décollements bulleux superficiels ou un purpura.
+ ADP inflammatoires homolatérales (fréquentes).
+ Traînée de lymphangite homolatérale (1/4 des cas).
Qlq ex complémentaires peuvent aider au dc, qui
reste toutefois clinique (syndrome inflammatoire bio, hyperleucocytose PNN)
L’évolution est favorable en 8 à 10 jours sous
traitement ATB dans plus de 80% des cas. L’apyrexie est obtenue en 48 à 72 h. Les
signes locaux s’améliorent plus lentement, en 1 semaine.
La récidive est la complication la plus fréquente
(~ 20%). Elle est la conséquence de la persistance des facteurs de risque.
Dermo-hypodermite nécrosante / Fasciite nécrosante / Gangrène gazeuse
Urgence vitale, impose PEC médicochirurgicale
rapide en USI.
Signes locaux de gravité sont en général présents
d’emblée (zones nécrotiques, anesthésie locale, écoulements fétides, crépitation)
avec des signes généraux marqués.
Les prélèvements bactério sont souvent positifs
(hémocultures et prélèvements locaux). Les germes responsables sont le streptocoque,
le staphylocoque doré, des BGN, des anaérobies.
Autres dermo-hypodermites bactériennes aiguës :
Pied diabétique infecté.
Dermo-hypodermites infectieuses des
immunodéprimés :
+ Présentation clinique souvent trompeuse.
+ Germes inhabituels++.
Pasteurellose d’inoculation : notion morsure
animale.
Rouget du porc.
Dermo-hypodermite inflammatoire sur insuffisance veineuse :
L’IVC évolue progressivement avec des
altérations cutanées visibles : télangiectasies, varices, œdème, tr
trophiques à type de dermite ocre ou d’ulcération correspondant au dernier
stade.
La lipodermatosclérose (infiltration scléreuse
des jambes) est quasiment spécifique de l’IVC. Sur ce terrain ils peuvent
apparaître poussées inflammatoires, qui simulent un érysipèle lorsqu’elles sont
unilatérales.
Eczéma :
Il est caractérisé cliniquement par un prurit,
des vésicules sur un placard érythémateux à bordure émiettée, localisés à la
région de contact avec allergène et svt associés à œdème local.
+ Les eczémas de jambe se voient fréquemment chez
des malades traités pour des ulcères (svt péri ulcéreuse, mais peut aussi s’étendre
donnant une grosse jambe rouge suintante). Les allergènes les plus fréquemment
rencontrés sont les ATB locaux, les conservateurs, les émulsifiants,…
+ Ils peuvent aussi s’observer à la suite
d’applications d’AINS topiques et se compliquer de photosensibilisation.
+ Un eczéma peut aussi s’observer sur terrain
d’IVC en l’absence de toute allergie de contact vraie. On parle alors de
« dermite de stase ».
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
+ La thrombose veineuse profonde ne donne pas de tableau de grosse jambe rouge aigue. Elle peut rarement s’associer à un érysipèle ce qui fait pratiquer en cas de doute un échodoppler veineux.
+ La lymphangite réalise un trajet rouge
inflammatoire, + svt une ADP inguinale,
elle peut être associée à un érysipèle.
+ La borréliose au stade d’érythème annulaire centrifuge est plus circonscrite, moins inflammatoire et
non fébrile. La piqûre de tique n’est pas toujours retrouvée.
+ Un lymphoedème chronique peut subir des poussées inflammatoires, dont l’étio infectieuse n’est pas tjrs claire.
+ Un zona est facilement éliminé par la présence de vésicules sur un trajet métamérique et l’évolution clinique.PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
Un repos au lit avec jambe surélevée est utile (↓ l’œdème et la douleur) jusqu’à la régression des signes inflammatoires locaux.
Une hospitalisation ne s’impose que si un
traitement parentéral ou une surveillance rapprochée sont nécessaires :
+ Doute diagnostique
+ Signes généraux très marqués, risques de complications
locales
+ Comorbidité, contexte social rendant le suivi
difficile en ambulatoire
+ Echec d’un traitement ambulatoire préalable
adapté.
Traitement spécifique
Érysipèle
Il doit être antistreptococcique : βlactamines
est le ttt de 1ère intention. La péni G inj est l’ATB de référence
en hospitalisation.
+ En traitement d’attaque chez les malades
hospitalisés, péni G 10 à 20MUI/j en 4 à 6 perf jusqu’à l’apyrexie. Ensuite
relais par VO (péni V 3 à 6MUI/j en 3p, amoxicilline 3 à 4,5g/j en 3p) jusqu’à
disparition des signes locaux (la durée totale 10-20j).
+ Un traitement oral d’emblée (15jours) est
également possible, en l’absence de signes de gravité locaux ou généraux. Il peut
s’effectuer à domicile et évite les contraintes et les effets indésirables du traitement
IV.
Si intolérance ou allergie à la pénicilline, on
prescrira de la pristinamycine (3g/j en 3p), un macrolide ou la clindamycine.
Traitement symptomatique de la douleur.
Prévention primaire des récidives :
+ Ttt d’une porte d’entrée (intertrigo interorteils…)
+ Amélioration des troubles circulatoires : port
de bandes de contention, drainage lymphatique manuel.
+ Hygiène cutanée correcte.
Chez les malades ayant plusieurs récidives par
an et lorsque FF sont difficilement contrôlables, une ATB préventive par
pénicilline retard est indiquée (benzathine-pénicilline : Extencilline 2,4M
IM/2 à 3sem) ou éventuellement par péni V (2 à 4 M/j en 2p orales)
Dermo-hypodermite nécrosante
+ Une urgence médicochirurgicale. Il consiste à exciser toutes les zones nécrosées.
+ Une ATB parentérale associant clindamycine, péni
G ou céphalosporine, et aminoside est débutée, adaptée ensuite selon les
données de l’antibiogramme. Le métronidazole est utilisé en cas de suspicion de
germes anaérobies.
+ Une réanimation corrigeant l’hypovolémie, d’éventuels
désordres glucidiques et électrolytiques est indispensable d’emblée.
+ NB : le rôle déclenchant ou aggravant de la
prise d’AINS a été suspecté, sans être démontré. Une telle prise doit être
systématiquement recherchée et, par précaution, arrêtée.
Autres dermo-hypodermites bactériennes
+ Une ATB probabiliste initiale antistreptococcique et antistaphylococcique, ensuite adaptée au germe retrouvé sur prélèvement.
+ En cas de diabète, l’équilibre glycémique et
l’immobilisation du pied (porte d’entrée habituelle sur un mal perforant) sont
des facteurs thérapeutiques essentiels. La nécessité éventuelle d’un geste
chirurgical sur une collection ne doit pas être méconnue.
+ En cas de morsure animale, l’amoxicilline (3g/j
per os ou IV), associée ou non à l’acide clavulanique, est l’antibiotique de
référence. Les macrolides ou la pristinamycine peuvent être utilisés en cas
d’allergie aux β-lactamines.
Dermo-hypodermite inflammatoire sur insuffisance veineuse
Il est mal codifié. Il repose sur la contention
élastique, indispensable mais parfois mal tolérée.
Le repos, les antalgiques sont utiles, ainsi
que, dans certains cas, la colchicine ou les AINS oraux (!!!!!)
Eczéma
Il repose d’abord sur l’éviction de l’allergène
supposé.
+ Traitement symptomatique (nettoyage à l’eau et
au savon, pulvérisations d’eau micronisée, application de dermocorticoïdes).
Traitement anticoagulant
Par héparine calcique ou HBPM à doses préventives, il n’est justifié qu’en cas de facteurs de risque de maladie thromboembolique
CONCLUSION
+ L’érysipèle est la cause la plus fréquente des grosses jambes rouges aiguës et fébriles. Il ne faut pas pour autant méconnaître les formes graves ou atypiques d’hypodermites infectieuses qui nécessitent une prise en charge différente.
+ La mise en route du traitement des dermo-hypodermites bactériennes ne doit pas être retardée par l’attente d’examens complémentaires qui ont en général peu d’intérêt diagnostique.
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